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Le triangle dramatique de Karpman

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  • Publication publiée :18 mars 2025

Le triangle dramatique de Karpman est un outil issu de l’analyse transactionnelle, une approche développée dans les années 50 par le psychiatre canadien Eric Berne. Cette méthode explore les schémas relationnels récurrents, appelés transactions, dont certains prennent la forme de jeux psychologiques.

C’est là qu’entre en scène Stephen Karpman, psychiatre américain et élève de Berne, qui a introduit en 1968 son célèbre triangle dramatique. Un modèle clé pour comprendre les dynamiques toxiques dans nos interactions.

Présentation du triangle de Karpman

Le triangle dramatique de Karpman

Les 3 rôles du triangle dramatique sont : 

  • Le Persécuteur : je vois le problème et je donne des leçons
  • Le Sauveur : je vois le problème et je viens en aide
  • La Victime : je vois le problème et je m’en plains 

Le triangle dramatique met en lumière nos interactions inconscientes et les jeux psychologiques qui se jouent entre deux personnes.

Avez-vous déjà eu l’impression d’être toujours celui ou celle qui aide ? D’être constamment critiqué, comme si rien de ce que vous faisiez n’était jamais assez bien ? Ou encore d’être celui ou celle qui se plaint sans savoir comment sortir de ce rôle qui vous colle à la peau ?

Parfois, on en prend conscience. D’autres fois, on s’en défend : « Ah non, pas du tout ! ». Et c’est justement peut-être là qu’il y a quelque chose à éclairer et creuser.

Quand nous comprenons le rôle que nous jouons, nous pouvons alors comprendre comment ne pas s’y enfermer. Car tant qu’on reste dans le triangle, on tourne en rond et on danse entre les rôles. Le serpent qui se mord la queue quoi.

Le rôle de la victime

La victime du triangle de Karpman

La victime, comme son nom l’indique, adopte une posture où elle se sent persécutée et impuissante. Plutôt que de reconnaître sa part de responsabilité, elle subit les événements et se convainc qu’elle n’a pas les moyens d’agir. C’est le profil drama queen, le Caliméro qui répète sans cesse : « Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ? »

Attention, il ne s’agit pas ici d’une victime au sens propre, mais bien d’un état psychologique, une posture façonnée par des émotions, des croyances et un certain rapport aux autres. La victime cherche l’attention, attend qu’on lui dise « Oh oui, je comprends, c’est dur… », ce qui renforce son rôle. Toujours dans la plainte, elle devient dépendante des autres et finit par attirer un Sauveur ou par déclencher la foudre d’un Persécuteur – les deux autres rôles du triangle.

Mais nuance importante : se plaindre, traverser un passage à vide et avoir besoin d’en parler ne fait pas de vous une victime figée dans ce rôle.

Quand je pense à une victime typique, une personne de mon entourage me vient en tête. À chaque rencontre, c’est la même rengaine : elle se plaint, rien ne va jamais, elle n’écoute personne. Si on tente d’échanger, elle ramène tout à elle. Elle va vous demander comment vous allez uniquement pour enchaîner sur ses propres problèmes. Et si vous partagez une difficulté, elle surenchérit : « Moi aussi j’ai vécu ça mais c’était encore pire ». Évidemment.

Certaines victimes finissent même par s’inventer des problèmes pour attirer l’attention, cherchant inconsciemment à combler un vide affectif. Une dérive toxique qui peut mener jusqu’à la mythomanie.

Nous avons tous joué ce rôle à certains moments de notre vie et ne sommes pas à l’abri de retomber dedans. L’essentiel, c’est de le reconnaître et de s’en extraire. Car tant qu’on reste victime, on renonce à être maître et créateur de sa propre vie.

Le rôle du Persécuteur

Le Persécuteur du triangle de Karpman

Le persécuteur, ou bourreau, adopte une posture de contrôle et de domination. Il impose ses règles, critique, dénigre, et cherche à asseoir son autorité. Pour lui, les autres sont le problème : ils sont incompétents, et il ne se prive pas de le leur rappeler. Là où la victime répète « Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ? », le persécuteur assène : « C’est de ta faute ! »

Souvent, il ne se perçoit pas comme un tyran, mais plutôt comme quelqu’un d’indispensable, celui qui remet les choses en ordre. Pourtant, son comportement génère des tensions, il libère son agressivité sur les autres. Face à lui, la victime se replie sur elle-même, voire s’éteint complètement. Mais ironiquement, derrière cette dureté qui tétanise, le persécuteur cherche inconsciemment un Sauveur.

Je pense à quelqu’un de mon entourage qui incarne ce rôle depuis bien trop longtemps. En couple depuis plus de 20 ans avec une victime, ils sont enfermés dans une relation toxique, prisonniers du triangle dramatique.

Le rôle du Sauveur

Le Sauveur du triangle de Karpman

Le Sauveur, c’est évidemment celui qui ne peut pas s’empêcher d’aider ! Même et surtout quand on ne lui a rien demandé. Il vole au secours des autres, cherche des solutions à leurs problèmes, souvent sans avoir été sollicité. Son intention semble noble et bienveillante, mais derrière cette posture se cache parfois un besoin de reconnaissance.

Il y a même parfois un côté narcissique : aider permet de se valoriser, de nourrir l’image d’être « quelqu’un de bien ». Cela me fait penser à ces personnes qui, après une bonne action, ressentent le besoin de le crier sur tous les toits pour asseoir leur rôle de bienfaiteur. Parfois, cette démarche est intéressée, même si elle est difficile à reconnaître, y compris pour soi-même.

Le Sauveur est une ancienne Victime. Il aide les autres pour éviter son propre travail intérieur, détournant ainsi son attention de ses propres blessures. Dans le développement personnel, ça arrive fréquemment : on comprend certaines choses, mais au lieu d’aller au fond de notre propre guérison, on utilise nos compréhensions pour plutôt secourir les autres. Une manière détournée de se sauver soi-même… mais qui finit toujours par nous rattraper.

Le problème, c’est que le Sauveur ne libère pas vraiment la Victime : il la maintient dans son impuissance. Une personne en difficulté ne cherche pas nécessairement une solution, mais parfois juste du réconfort, une écoute, une reconnaissance. Si l’aide du Sauveur est mal reçue ou inefficace, il peut alors basculer en Persécuteur. Et là, on comprend mieux comment fonctionne le triangle dramatique…

C’est une spirale, un cercle vicieux, où chaque rôle danse sans fin, se transforme, bascule d’un rôle à l’autre, ou reste figé dans l’un d’eux sans jamais vraiment sortir du jeu. Et souvent, on ne s’en rend même pas compte. On se place à une pointe du triangle et, inconsciemment, on attribue à l’autre l’un des deux autres rôles.

Cela s’applique dans toutes nos relations : familiales, amicales, amoureuses, professionnelles… en fait, dans toutes nos interactions.

Pourquoi tombons-nous dans le triangle ?

Il n’y a jamais vraiment de hasard, du moins pas dans mes croyances. Je pense que nous ne vivons pas dans un monde régi par le hasard. Les rôles du triangle dramatique prennent souvent racine dans l’enfance – encore cette fameuse enfance, où tout se construit. Bien sûr, il est toujours possible de déconstruire plus tard pour reconstruire, rien n’est figé. C’est quand on est enfant qu’on apprend à interagir avec les autres, en se basant sur ce qu’on observe autour de nous : les modèles adultes, les messages et croyances que l’on reçoit.

Peut-être avez-vous grandi dans un environnement où l’on vous répétait qu’il fallait être fort, ne jamais se plaindre. Ou on vous a appris qu’il fallait toujours aider les autres pour être quelqu’un de bien. Peut-être que, sans le vouloir, vous avez intégré que le conflit et la critique étaient les seuls moyens d’avoir du pouvoir. Et finalement, vous tombez dans l’un de ces rôles et vous l’incarnez.

Il y a aussi une dimension inconsciente dans tout ça : la Victime cherche de la reconnaissance et de l’attention, le Sauveur veut se rendre indispensable, et le Persécuteur a besoin de garder le contrôle et d’imposer son autorité.

Pourquoi ces rôles nous attirent-ils ? Parce qu’il est plus facile de se plaindre que de prendre ses responsabilités, plus rassurant de donner des leçons que d’admettre ses propres failles, et plus valorisant d’aider les autres que de s’occuper de soi. C’est un piège subtil qui se referme sur nous.

Comment en sortir ?

S’il suffisait de dire « ok, je sors de cette pièce de théâtre et j’arrête de jouer ce rôle », ce serait trop facile, vous vous en doutez. Il est essentiel de comprendre pourquoi et quel besoin nous pousse à incarner l’un des trois rôles. C’est ce qui nous permettra de reprendre le contrôle de notre pouvoir personnel et d’assainir notre manière d’interagir avec les autres.

La Victime devra cesser d’attendre qu’on vienne la sauver et apprendre à se responsabiliser. Cela ne veut pas dire qu’elle doit tout gérer toute seule, mais elle doit accepter qu’une part d’action de sa part est indispensable, sinon rien ne changera jamais.

Le Persécuteur, lui, devra apprendre à exprimer ses besoins et à poser ses limites de manière plus constructive, sans aboyer sans cesse sur les autres. Exprimer ce qui ne va pas, apprendre à communiquer, tout simplement. Et surtout, il devra chercher la source de sa colère intérieure – et ça, c’est souvent difficile à faire seul. Si vous vous reconnaissez dans ce rôle, n’hésitez pas à demander de l’aide, et peu importe le rôle que vous reconnaissez jouer d’ailleurs. Derrière la colère se cache souvent une profonde tristesse.

Quant au Sauveur, il devra apprendre à attendre d’être sollicité et à se regarder dans le miroir : est-ce que ce qu’il essaie de sauver chez les autres ne fait pas écho à quelque chose en lui-même qu’il procrastine ou ignore ? Parfois, il faudra vivre avec la frustration de ne pas intervenir et, peut-être, commencer par demander à l’autre : « De quoi as-tu besoin ? ».

Comme je le dis toujours, l’observation de soi est l’outil clé pour sortir d’un rôle. La prise de conscience est essentielle. On peut jouer plusieurs rôles en fonction des relations, mais encore faut-il parvenir à les identifier. Ensuite, accepter que l’on joue ce rôle, prendre du recul, ne pas réagir immédiatement mais réfléchir. Apprendre à communiquer, notamment avec la communication non-violente (épisode 26 du podcast).

Le triangle dramatique de Karpman nous invite à prendre du recul sur nos interactions et à observer les rôles que nous jouons, souvent de manière inconsciente, dans nos relations. Que l’on incarne la Victime, le Persécuteur ou le Sauveur, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous-jacents qui nous poussent à adopter ces rôles. Il y a toujours une raison cachée. Une fois identifiés, ces schémas peuvent être déconstruits, et nous pouvons reprendre le pouvoir sur nos interactions. Cela nécessite du courage, de la responsabilité et une communication plus consciente. Nous avons tous la possibilité de sortir de ce cercle vicieux, mais pour cela, il faut s’engager dans un travail intérieur de conscientisation, d’introspection, et d’acceptation. Et au final, ce chemin de libération personnelle permet non seulement de sortir du triangle dramatique, mais aussi de créer des liens plus sains, équilibrés et épanouissants.